Plaidoyer et politique

Défense des intérêts

Cadre réglementaire des dirigeables

Le Canada n’a qu’une expérience limitée en matière de dirigeables, alors que les politiques européennes et américaines vont de l’avant. Les réglementations existantes dans le Règlement de l’air canadien (RAC) ont toujours été adaptées de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a proposé un nouveau cadre réglementaire pour la certification des grands dirigeables, qui a été publié en janvier 2022. Il est essentiel de combler les lacunes réglementaires qui entravent la fabrication et l’exploitation des dirigeables de transport au Canada, car leurs avantages sont des plus pertinents face aux défis de notre paysage unique. L’AESA est en avance sur la FAA dans la publication des réglementations provisoires utilisées pour les dirigeables. Cependant, les régulateurs de l’AESA et de la FAA manquent de modèles de dirigeables civils avancés qui pourraient être soumis à la certification de type au cours de la prochaine décennie. L’absence de réglementation éprouvée pour les modèles de dirigeables avancés augmentera le risque réglementaire pour les concepteurs/fabricants de ces dirigeables. Le Canada est un lieu propice à l’élaboration de ces politiques.

Navigabilité

Les autorités réglementaires soutiennent le développement technologique de l'aérospatiale. Les critères de la FAA élaborés pour le dirigeable hybride de Lockheed-Martin ont été discutés au Canada. Même si les investisseurs dans les dirigeables ne trouveront pas de critères prêts à l'emploi pour le développement de grands dirigeables de transport, il semble qu'il y ait une volonté de collaborer avec l'industrie.

Certification des pilotes

Le RAC ne prévoit pas de système de formation pour les pilotes de dirigeables au Canada, ni d’exigences pour les instructeurs qui certifient les pilotes de dirigeables. Transports Canada a demandé à tort aux entreprises de dirigeables d'obtenir des licences de pilote de montgolfière qui ne sont pas valables pour les vols motorisés. Bien que des dérogations puissent permettre aux dirigeables commerciaux de voler au Canada, cela ne facilite pas le développement d'un programme de formation des pilotes ou d'établissements d'enseignement, ce qui crée une lacune importante et des retards potentiels.

Ingénieurs en mécanique aéronautique (AME)

Chaque dirigeable doit passer une inspection annuelle de sécurité et de conformité. Le Canada n'a pas de mécaniciens de dirigeables certifiés. Les mécaniciens de bord déjà en poste peuvent prétendre à une qualification de dirigeable sur leur licence, mais il n'existe aucune réglementation pour administrer cette certification. Les nouveaux exploitants de dirigeables au Canada ont besoin d'un moyen d'obtenir des employés qualifiés pour travailler sur les composants spécifiques des dirigeables.

Infrastructure des dirigeables

Le rôle du secteur public comprend la fourniture d’infrastructures multi-utilisateurs, telles que les ports.
Les dirigeables nécessitent moins d’infrastructures que d’autres modes de transport, mais ils ont tout de même besoin d’installations multi-utilisateurs qu’il n’est pas économiquement possible d’offrir à des utilisateurs individuels.

Les infrastructures fournies par les pouvoirs publics favorisent l’efficacité et la compétitivité des services de transport.
Si un ou deux opérateurs seulement contrôlent leur infrastructure, ils peuvent dominer le marché, étouffer l’innovation et extraire des profits excessifs.

Aérodromes et aéroports terrestres

Il n'est pas certain que les dirigeables doivent être exploités à partir d'aérodromes publics certifiés avec d'autres aéronefs commerciaux, ou qu'ils doivent disposer d'aérodromes privés distincts. Bien qu'il soit possible d'exploiter des dirigeables et des aéronefs à voilure fixe ensemble, comme c'est le cas pour les dirigeables publicitaires, leur faible nombre signifie qu'ils n'interfèrent pas avec les services réguliers. Pour un traitement optimal des passagers et du fret, l'infrastructure au sol dédiée devrait idéalement être fournie par des installations polyvalentes spécialisées, connues sous le nom d'aéroports terrestres.

Airdocks

Les hangars pour dirigeables, ou Airdocks, ne doivent pas être confondus avec les hangars pour avions. Les hangars pour dirigeables sont plus chers en raison de leur taille, ce qui constitue une barrière à l'entrée plus importante si seuls des hangars privés sont disponibles. Les dirigeables utilisent les cales à air principalement pour les réparations majeures ou les inspections annuelles, à l'instar des cales sèches pour les navires. Des cales aériennes publiques encourageraient la concurrence, augmenteraient la disponibilité de services à bas prix, attireraient les investissements en capital et s'aligneraient sur les objectifs nationaux en matière d'innovation pour moderniser le secteur des transports.

Recherche et éducation

Les industries émergentes de dirigeables ont besoin d'un soutien simultané à la recherche et à l'éducation, à l'instar du secteur de l'aéronautique à ses débuts. Les dirigeables nécessitent une recherche étendue et une formation spécialisée que le secteur public a du mal à assurer. Par exemple, la mise en place d'installations d'essais par temps froid accessibles à toutes les entreprises de dirigeables favoriserait l'innovation et la sécurité. Le Canada manque d'établissements d'enseignement supérieur capables de former des ingénieurs et des techniciens spécialisés dans les dirigeables. Au lieu de fonder de nouvelles institutions, les unités académiques existantes doivent établir de nouveaux programmes de recherche et de nouvelles spécialités académiques.

Vers une politique nationale de transport par dirigeable

Les transports sont le fruit d’une collaboration entre les secteurs privé et public.
À l’exception des chemins de fer, les gouvernements fournissent généralement des infrastructures fixes ouvertes à de multiples utilisateurs, tandis que le secteur privé fournit des actifs mobiles, de la main-d’œuvre et certains bâtiments à usage exclusif.
Cette collaboration est cruciale, car la politique des transports a un impact sur les deux secteurs qui travaillent ensemble pour fournir des services de transport de passagers et de marchandises.
Les réglementations, les actions ou l’inaction des gouvernements influencent directement les risques et les décisions d’investissement du secteur privé dans les transports, ce qui affecte en fin de compte les services aux consommateurs et la compétitivité de l’économie.
Le transport aérien, par exemple, relève de la responsabilité nationale, le gouvernement fédéral fixant le cadre réglementaire et fournissant les infrastructures publiques nécessaires.

Compte tenu des responsabilités partagées entre les secteurs public et privé, nous avons identifié les besoins en matière de réglementation et d’infrastructure de l’industrie canadienne des dirigeables qui dépendent de la politique gouvernementale.
Il est urgent de répondre à ces besoins, car l’industrie attend une action gouvernementale pour commencer ses activités.

Raisons de la lenteur du développement de l’industrie des dirigeables

La lenteur des progrès de l’industrie des dirigeables peut être attribuée principalement à un manque persistant de financement.
Bien que de nombreux fabricants développent des modèles avancés, les premiers à obtenir des capitaux suffisants seront en mesure de construire et de certifier une installation de fabrication, de construire et de tester des prototypes à l’échelle réelle et, enfin, de proposer à la vente un dirigeable certifié.

Les principaux obstacles sont les suivants :

Manque de prototypes à l’échelle réelle :

  • De nombreuses entreprises de dirigeables n’ont que des dessins conceptuels ou des modèles à petite échelle.
    Aucun prototype grandeur nature n’est actuellement en service, ce qui rend difficile l’engagement des investisseurs.
    Cette situation devrait toutefois changer, car des entreprises comme LTA Research, AT2 Aerospace, Flying Whales et Hybrid Air Vehicles sont sur le point d’achever leurs prototypes à l’échelle réelle.

Des capacités de fabrication sous-développées :

  • Bien qu’il existe de nombreux modèles de dirigeables avancés, peu d’entreprises progressent vers la mise en place d’installations de fabrication.
    Le passage de la conception à la production à grande échelle est considérable.
    Par exemple, LTA Research and Exploration a accès à de grands hangars pour dirigeables, mais des investissements substantiels sont nécessaires pour développer de nouvelles capacités de fabrication.

Risque financier élevé :

  • Le financement nécessaire pour passer à des niveaux de fabrication viables dépasse souvent ce que les investisseurs en capital-risque sont prêts à risquer. Les sources de capital-investissement sont généralement peu enclines à prendre des risques, et le financement public a été lent à soutenir l’industrie des dirigeables. Flying Whales est actuellement l’une des rares entreprises à avoir obtenu un financement public significatif.

Défis réglementaires :

  • Les réglementations en vigueur aux États-Unis, au Canada et en Europe sont obsolètes et principalement conçues pour les dirigeables non rigides. Elles ne répondent pas aux besoins de certification des dirigeables modernes, ce qui peut compliquer le processus de certification des nouveaux modèles. Les régulateurs doivent mettre à jour et rationaliser les réglementations afin de prendre en compte les dirigeables modernes.

Manque d’infrastructure opérationnelle :

  • Il n’y a pas d’infrastructure existante pour soutenir les nouveaux dirigeables commerciaux. Les opérateurs devront développer des bases, des hangars et des installations de maintenance. Bien que certains fabricants affirment que leurs modèles ne nécessitent qu’une infrastructure minimale, un véritable investissement dans l’infrastructure sera nécessaire.

Une courbe d’apprentissage abrupte :

  • Seuls les exploitants de Zeppelin NT ont une expérience des dirigeables modernes. Les nouveaux clients auront du mal à intégrer l’exploitation et la maintenance des dirigeables en l’absence de systèmes de soutien établis. Cette situation devrait s’améliorer au cours de la prochaine décennie, mais les premiers exploitants seront confrontés à d’importantes difficultés.

Pénurie de personnel qualifié :

  • Les programmes de formation et d’octroi de licences pour les pilotes et les équipages de dirigeables sont encore en cours de développement. Des entreprises comme Varialift travaillent à la formation des futurs pilotes, mais l’industrie ne dispose pas encore d’un système solide pour le développement du personnel.

Ces défis devraient changer au milieu ou à la fin des années 2020, lorsque plusieurs dirigeables pour le transport de charges lourdes et de passagers seront en passe d’être certifiés et mis en production.
L’obtention de commandes de clients pourrait permettre de concrétiser le potentiel du transport par dirigeable et son impact positif sur divers secteurs d’activité.

Réglementation aérienne actuelle pour les dirigeables

La technologie moderne des dirigeables a dépassé les réglementations existantes.
Voici un résumé du paysage réglementaire actuel :

Transport Canada Transports Canada
Transports Canada (TC)

  • Chapitre de navigabilité 541 – Dirigeables – Règlement de l’aviation canadien n’a pas été modifié depuis 2009 et est entièrement basé sur la réglementation des États-Unis, décrite dans le document FAA-P-8110-2.

Administration fédérale de l'aviation des États-Unis
Administration fédérale de l’aviation des États-Unis (FAA) :

  • La réglementation actuelle de la FAA, décrite dans le document FAA-P-8110-2, Change 2, se concentre sur les dirigeables non rigides, en quasi-équilibre, avec un nombre limité de places. Ces règles sont dépassées pour les dirigeables hybrides et avancés actuellement en cours de développement. La demande de certification du LMZ1M (LMH-1) de Lockheed Martin souligne la nécessité de mettre à jour les critères. La FAA n’a pas encore finalisé de réglementation pour ces nouveaux modèles de dirigeables.

Drapeau de l'Allemagne Drapeau des Pays-Bas
Allemagne et Pays-Bas:

  • Ces pays ont élaboré des lignes directrices complémentaires aux exigences européennes communes en matière d’aviation et aux normes de la FAA pour les « dirigeables de transport ». Ces exigences concernent les dirigeables multimoteurs de plus grande capacité, mais ne couvrent pas encore tous les modèles modernes.

EASA Logo de l'Agence européenne de la sécurité aérienne
Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) :

  • En janvier 2022, l’AESA a proposé de nouvelles réglementations concernant les grands dirigeables, connues sous le nom de SC GAS. Ce cadre comprend des conditions spécifiques pour l’utilisation de gaz inflammables et vise à combler le fossé jusqu’à ce que des spécifications de certification complètes soient établies.

Considérations sur les gaz de levage

Les réglementations en vigueur aux États-Unis, en Europe et au Canada limitent les gaz de levage aux types ininflammables :

  • FAA ADC : nécessite un gaz de levage ininflammable.
  • TAR : spécifie des gaz ininflammables, non toxiques et non irritants.
  • Règlement canadien sur la qualité de l’air : Interdire l’hydrogène.

La nouvelle réglementation de l’AESA offre la possibilité d’utiliser des gaz inflammables dans des conditions de sécurité strictes, notamment en ce qui concerne les risques d’incendie et les décharges électrostatiques.
L’hydrogène, bien qu’offrant une portance supérieure de 10 % à celle de l’hélium, n’est pas largement utilisé pour des raisons de sécurité, malgré le coût élevé de l’hélium.
Toutefois, les progrès de la technologie de l’hydrogène et les modifications de la réglementation pourraient en faire une option plus rentable et plus respectueuse de l’environnement à l’avenir.

Sous la direction de Ressources naturelles Canada (RNCan), le gouvernement du Canada s’est efforcé de mettre en œuvre les recommandations de la Stratégie de l’hydrogène pour le Canada et de contribuer à l’élaboration d’un rapport d’étape en avril 2024.
Ce rapport stipule que :

« L’hydrogène peut permettre la décarbonisation des opérations aéroportuaires grâce au déploiement de véhicules électrifiés à pile à combustible (FCEV) et peut également contribuer à la décarbonisation de l’aviation grâce à l’utilisation d’avions à pile à combustible et à l’utilisation de l’hydrogène comme carburant alternatif à faible teneur en carbone ou dans la production de carburant aéronautique durable. »

Helium Atom
Hydrogen Atom